Cycle du carbone océanique

les microalgues dévoilent un équilibre inattenduentre photosynthèse et photorespiration

Une équipe internationale dirigée par le BIAM (CEA-CNRS-Aix-Marseille Université) révèle que deux processus clés du métabolisme des microalgues – la concentration du CO₂ et la photorespiration – ne s’excluent pas, mais au contraire coopèrent. Cette découverte, publiée ce mois-ci dans les pages de la revue Nature Communications, rebat les cartes de notre compréhension du cycle du carbone marin, avec des implications sur l’étude des modèles climatiques et la bioéconomie.

Les microalgues, minuscules organismes photosynthétiques, jouent un rôle capital dans la régulation du climat planétaire en fixant près de la moitié du CO₂ atmosphérique capté chaque année par les écosystèmes mondiaux. Une équipe scientifique internationale dirigée par le BIAM, en collaboration avec l’Institut Max-Planck de Potsdam situé en Allemagne et quatre autres laboratoires à l’international*, a découvert que deux processus cellulaires majeurs – le mécanisme de concentration du CO₂ (CCM) et la photorespiration – fonctionnent conjointement pour permettre aux microalgues de s’adapter à des environnements pauvres en CO₂.

Remise en question du modèle jusque-là accepté

« Jusqu’ici, on pensait que le mécanisme de concentration du CO2 (CCM) permettait aux microalgues de le fixer par la photosynthèse tout en éteignant un processus concurrent et gaspilleur d’énergie : la photorespiration. Mais l’étude que nous avons menée montre que ce n’est pas si simple », Pointent Yonghua Li-Beisson, responsable de l’équipe EBMP**et Gilles Peltier, Directeur de recherche EBMP, tout deux coauteurs de la découverte au sein du BIAM1. « Par cette découverte, nous remettons en question l’idée selon laquelle le CCM supprime la photorespiration. Au contraire, ces deux mécanismes coexistent et s’équilibrent pour éviter l’accumulation toxique de sous-produits comme le glycolate, présent en quantité notable dans les océans. »

Une protéine clé dans le dialogue métabolique

Grâce à l’étude de plusieurs mutants d’une algue modèle, Chlamydomonas reinhardtii, les chercheurs ont identifié le rôle crucial d’une protéine, le transporteur LCI20, localisé dans l’enveloppe du chloroplaste. LCI20 agit comme un véritable régulateur dans le dialogue métabolique entre le CCM et la photorespiration, permettant une acclimatation efficace des microalgues à de faibles concentration de CO₂.

« Cette cohabitation métabolique révèle une stratégie d’adaptation sophistiquée des microalgues, essentielle pour comprendre le cycle du carbone océanique », poursuivent les scientifiques.

Un levier pour la recherche sur le climat et les biotechnologies

Cette avancée scientifique offre « de nouvelles perspectives avec, en tout premier lieu, de fortes implications dans le domaine de la modélisation du cycle du carbone marin, essentielles pour prédire les évolutions climatiques, » appuie la chercheuse qui poursuit, « L’amélioration de la productivité des microalgues cultivées en bioréacteurs sera également concernée. L’équilibrage des concentrations en O2 et en CO2 dans les bioréacteurs industriels, jusque-là critique, seront également mieux assurés. » 

Une collaboration scientifique internationale

Cette recherche, publiée dans Nature Communications, illustre l’importance de la recherche fondamentale collaborative*, réunissant des expertises complémentaires en génétique, biochimie, physiologie cellulaire et métabolomique.

Nouvelles perspectives environnementales

Cette étude trace une voie pour explorer comment d’autres microalgues, dotées de CCMs plus ou moins efficaces, régulent la balance entre fixation du CO₂ par photosynthèse et photorespiration.

Cette avancée ouvre une nouvelle voie à l’exploration de la diversité des mécanismes d’acclimatation au CO₂ chez d’autres microalgues dotées de CCMs plus ou moins efficaces. « Notre équipe poursuit à présent ses travaux sur des espèces marines d’intérêt écologique ou industriel, dans le but d’enrichir nos connaissances pour faire face au changement climatique ».

REFERENCES

* Ousmane Dao1, Marie Bertrand1, Saleh Alseekh2,3, Florian Veillet1, Pascaline Auroy1, Phuong-Chi Nguyen1, Bertrand Légeret1, Virginie Epting1, Amélie Morin1, Stephan Cuiné1, Caroline Monteil1, Luke C.M. Mackinder4, Adrien Burlacot5,6, Anja Krieger-Liszkay7, Andreas P.M. Weber8, Alisdair R. Fernie2,3, Gilles Peltier1*, Yonghua Li-Beisson1*

1 Aix-Marseille Université, CEA, CNRS, BIAM, UMR7265, Institut de Biosciences et Biotechnologies Aix-Marseille, CEA Cadarache, F-13115, Saint-Paul-lez-Durance, France

2 Department of Molecular Physiology, Max Planck Institute of Molecular Plant Physiology, Potsdam-Golm, Germany

4 Centre for Novel Agricultural Products, Department of Biology, University of York, York YO10 5DD, UK

5 Department of Plant Biology, Division of Biosphere Sciences and Engineering, The Carnegie Institution for Science, Stanford, CA, 94305, USA

7 Institute for Integrative Biology of the Cell (I2BC), CEA, CNRS, Université Paris-Saclay, CEDEX, 91198 Gif-sur-Yvette, France

8 Institute of Plant Biochemistry, Cluster of Excellence on Plant Science (CEPLAS), Heinrich Heine University, 40225 Düsseldorf, Germany

**Équipe EBMP « Environnement, Bioénergies, Mi(a)croalgues et Plantes »

DOI:https://doi.org/10.1038/s41467-025-60525-7