De la lumière bleue au carburant vert : ces bactéries qui fabriquent de l’heptane

Communiqué de presse

Des chercheurs de l’Institut de Biosciences et biotechnologies d’Aix-Marseille, ont réussi à produire de l’heptane uniquement à partir de micro-organismes et de lumière bleue. Publié dans Biofuel Research Journal le 1er septembre, ce résultat ouvre la voie à de nouvelles solutions pour la chimie verte et la production de carburants durables.

Pour produire de l’heptane sans faire appel à la moindre extraction de pétrole, une équipe du BIAM a mis au point un procédé inédit combinant biologie synthétique, lumière et co-culture microbienne : une première bactérie fabrique un précurseur, l’acide octanoïque, qu’une seconde transforme en heptane grâce à une photoenzyme, c’est-à-dire une enzyme utilisant la lumière comme source d’énergie. Testé en photobioréacteur, ce système a permis d’obtenir un rendement record.       
Aujourd’hui produit par distillation du pétrole, l’heptane est un composant majeur des carburants, notamment aéronautiques, et sert aussi de solvant industriel. Sa production biosourcée ouvre ainsi des perspectives pour réduire les émissions de CO₂ –puisqu’il capte directement celui déjà présent dans l’atmosphère – tout en limitant l’usage de catalyseurs et procédés chimiques.

Cultures bactériennes (E. coli) exprimant la FAP et produisant des hydrocarbures captés en phase gaz en sortie du système de circulation d’air.(c)CEA/BIAM

Des leviers technologiques clés

  • un promoteur activé par la lumière bleue, qui déclenche et entretient la production comme un simple interrupteur tout en remplaçant des inducteurs chimiques coûteux ;

des rendements de productions multipliés par douze lorsque l’enzyme centrale, la Fatty Acid

  • Photodecarboxylase (FAP), est fusionnée avec une autre protéine, la thiorédoxine ;
  • une stratégie de co-culture qui multiplie par quatorze la production en répartissant la biosynthèse sur deux bactéries complémentaires.

Ces résultats s’appuient sur trente ans de savoir-faire dans le domaine des biotechnologies et plus d’une décennie de recherche fondamentale consacrée à la découverte et à l’exploration de la FAP. Décrypter son mécanisme, révéler son activité spécifique sur l’acide octanoïque, ou encore étudier sa diversité naturelle ont constitué autant de jalons nécessaires pour aboutir à cette preuve de concept.

Vers une chimie et des carburants durables

Le système bactérien développé s’est montré stable et reproductible sur plusieurs jours, un élément essentiel pour envisager un futur passage à l’échelle. Autre atout majeur de cette approche  : sa production sélective d’heptane pur permet de réduire les coûts des procédés de purification contrairement à d’autres procédés biologiques.
L’heptane biosourcé issu de ce procédé pourrait ainsi ouvrir des perspectives pour la

production de solvants verts et d’autres composés d’intérêt industriel mais aussi contribuer au développement de carburants alternatifs durables, notamment pour l’aviation (SAF).

À cette fin, les chercheurs travaillent déjà sur des pistes pour accroître encore les performances du système : gestion optimisée de la lumière, évolution dirigée de la FAP pour accroître sa robustesse, ou intégration directe des gènes dans le génome bactérien afin de simplifier encore les procédés.

[1] Institut de biosciences et biotechnologies installé au CEA Cadarache

Références

Ángel BACA-PORCEL, Poutoum Palakiyém SAMIRE, Bertrand LEGERET, Pascaline AUROY-TARRAGO, Florian VEILLET, Cécile GIACALONE, Stéphan CUINE, Solène MOULIN, Gilles PELTIER, Yonghua LI-BEISSON, Fred BEISSON, Damien SORIGUÉ