Un nucléotide peu ordinaire qui protège les plantes de la carence

Une équipe du BIAM vient de découvrir qu'une molécule végétale agit comme un frein naturel à la photosynthèse lors de la croissance des plantes dans un sol appauvri. Ce frein est nécessaire pour éviter des dommages irréversibles, et permet aux plantes de survivre plus longtemps dans ces conditions difficiles. Une découverte qui pourrait s’inscrire dans le développement de cultures résilientes capables de s’adapter aux changements climatiques.

Pour survivre, la nature sédentaire des plantes les a poussées, au cours d’un long processus d’adaptations, à développer différents modes de résistances pour affronter les fluctuations parfois brutales de leur environnement. En ce sens, une petite molécule appelée guanosine tétraphosphate (ppGpp) leur offre une résistance toute particulière.

La ppGpp était surtout connue chez les bactéries, où elle joue un rôle majeur en les aidant à s’adapter aux changements environnementaux. Elle est également présente chez les plantes à l’intérieur du chloroplaste, haut lieu de la photosynthèse, un processus qui alimente la croissance des plantes et presque toute la vie sur terre en convertissant la lumière du soleil en énergie chimique.

Sans que cela n’ait pu être démontré, des indices laissaient penser depuis longtemps que la ppGpp pouvait être impliquée dans la résistance des plantes lors d’un déficit en azote, élément essentiel à leur croissance.

Une équipe de l’Institut de Biosciences et biotechnologies d’Aix-Marseille (BIAM CEA/CNRS/AMU) et ses collaborateurs ont cherché à déterminer si la ppGpp jouait réellement un rôle pour protéger les plantes et les aider à croître dans un environnement pauvre en nutriments. Ainsi, les chercheurs ont examiné des mutants d’Arabidopsis thaliana, une plante modèle largement utilisée en laboratoire. Ces plantes présentaient des défauts de production de la molécule ppGpp. Lorsqu’elles étaient cultivées dans un milieu pauvre en azote, les plantules mutantes souffraient de dommages oxydatifs et de mort cellulaire. Grâce à une série d’expériences biochimiques, moléculaires et génétiques, les chercheurs ont ainsi pu démontrer que la ppGpp était nécessaire pour réduire l’activité de la photosynthèse et l’expression des gènes chloroplastiques. 

L’équipe a ainsi démontré que ce mécanisme protégeait les plantes en les aidant à supporter l’impact d’une carence en azote : « Cela démontre que la production de ppGpp est probablement essentielle à la survie des plantes pour affronter cette carence et peut-être même d’autres changements soudains de leur environnement », souligne Shanna ROMAND premier auteur de la découverte et doctorante au sein du BIAM.

L’imprévisibilité du changement climatique et les nombreux impacts qu’ils pourraient générer sur les productions agricoles et sur la santé de la planète suscitent de plus en plus d’inquiétudes au regard des défis liés à l’alimentation et à la croissante des populations du globe. Pour aider les cultures à s’adapter à ces changements, il est vital de mieux comprendre les biomécaniques développées par les plantes. « C’est grâce à l’ensemble de ces recherches que nous élaborerons des stratégies efficaces pour aider les plantes cultivées à entrer en résilience, à être plus tolérantes aux aléas et moins dépendantes aux apports élevés en nutriments », complète Benjamin FIELD, chercheur au sein du BIAM et dernier auteur de la découverte. « Maintenant que nous comprenons l’importance de la ppGpp, la prochaine étape consistera à utiliser ces connaissances pour mieux accompagner la résilience des cultures ».

Auteurs : Shanna Romand, Hela Abdelkefi, Cecile Lecampion, Mohamed Belaroussi, Melanie Dussenne, Brigitte Ksas, Sylvie Citerne, José Caius, Stefano D’Alessandro, Hatem Fakhfakh, Stefano Caffarri, Michel Havaux, Ben Field

RÉFÉRENCES

https://doi.org/10.7554/eLife.75041

Laboratoires impliqués

BIAM / LGBP et SAVE

INRAE-IJPB

IPS2 (INRAE, CNRS, U Paris Saclay)

Université Tunis El Manar

Université de Carthage

 

ANR-17-CE13-0005

ANR-17-EUR-0007

Contact BIAM: ben.field@univ-amu.fr

Groupement d’intérêt scientifique (GIS) « Biotechnologies Vertes »  Contact : durand-tardif@genoplante.com